C’est tout à fait normal de se laisser emporter par ses émotions. Qu’il s’agisse d’émotions positives ou négatives, il peut vous arriver de vous y perdre de façon intense. La courbe des émotions s’intensifie alors et nous fait passer par des phases ultra positives ou ultra négatives. Du coup, nous ressentons des sensations fortes qui varient très rapidement d’un extrême à l’autre. Nous pouvons être très friands de ces moments “exceptionnels” où le cœur bat à 100 à l’heure. Certains diront qu’il vaut mieux avoir une vie pleine de rebondissements qu’une vie sage et monotone. Il suffit d’ailleurs d’allumer la télé pour voir que tout tourne autour de ces émotions fortes. Voici un petit schéma pour récapituler l’idée.
Le graphique montre la courbe des émotions qui passe rapidement d’un extrême positif à un extrême négatif.
Dans le premier cas, je me laisse emporter par des émotions dites extrêmement « positives ». On pourrait donc croire à priori que l’expérience en sera richement positive. Nous allons voir ça de plus près. Durant ce moment, je me laisse emporter dans un moment d’« extase », ce moment où toute la réalité part en fumée. En effet, à la place, il n’y a plus qu’une adoration maximale du moment présent, de l’entourage, que je vénère. Surgissent alors les impressions que rien ne changera jamais, qu’il y a des relations façonnées « pour la vie », que tout est parfait comme tel. J’explose ma joie, je me sens puissante et importante.
A l’inverse, les moments « qui ne m’arrangent pas », dans lesquels les difficultés émergent, peuvent me faire souffrir intensément. Les injustices pures m’enragent, les déceptions et manques d’amour me chagrinent profondément, j’entre dans une tristesse profonde et qui parait sans fin. A la moindre inversion de situation, je change complètement d’attitude et me retrouve (presque) directement à nouveau à l’état d’extase.
Nous venons d’observer les émotions d’adoration, de joie, de rage, de chagrin, de tristesse, d’extase (soulignées en gras). Ces émotions font partie des émotions dites primaires*. Étudiées par Shaver notamment, ces émotions primaires sont innées et universelles. Elles sont importantes car elles sont directement liées à la survie de l’espèce. En effet, elles servent de signal à l’organisme pour que nous puissions nous adapter au mieux aux événements extérieurs.
Si ces émotions sont nécessaires à notre survie et qu’elles nous permettent de vivre des moments “forts”, pourquoi vouloir les calmer ? Voici 5 bénéfices à calmer ses émotions en passant de A à B :
1. Calmer ses émotions permet d’apprécier les moments dans leur globalité
Lorsqu’on est emporté par une émotion, on perd de vue qu’elle n’est que de passage, dans la suite des choses. On se fige alors dans l’émotion qui prend le dessus et nous fait perdre la notion de globalité. On ne vit plus “l’expérience en tant que telle”, on vit juste la très grosse dose d’émotion forte. Nous sommes influencé par notre forte émotion et nous ne voyons plus la même réalité que si nous étions “sobres d’émotions”. Cela nous pousse à faire des choses ou dire des paroles que l’on peut regretter après coup. Le cas de la colère qui enclenche des crises non nécessaires est bien connu. Mais il arrive aussi qu’en cas de grande joie, on se laisse emporté dans des déclarations, des investissements, des engagements que l’on pourrait effectivement bien regretter après.
A ce niveau-là, la comparaison peut se faire avec l’alcool. Quand vous êtes saoul, vous êtes un “vous” qui est saoul. Ce qui est drôle, ce n’est pas la soirée, mais bien l’alcool qui titille vos sens, émotions, organes. Ce qui est drôle, ce n’est pas vous, mais l’alcool qui vous fait parler, agir d’une certaine façon. Quand je parle avec quelqu’un de saoul, je considère que je parle avec de l’alcool et non plus avec cette personne.
L’avantage à calmer les émotions, c’est d’être lucide dans l’instant que l’on vit.
Il ne s’agit pas de ne plus rien apprécier, au contraire. « L’hystérie, l’excitation extrême » fait place à une délicieuse satisfaction du moment que l’on connaît passager et que l’on savoure différemment. On le savoure pleinement, consciemment et volontairement. Nous redevenons maître de notre vie, de nos émotions que l’on arrive à doser nous-même.
2. Calmer ses émotions permet de gagner du temps et de l’énergie
Se remettre de nos émotions prend un temps fou. Je le compare à la cuite de la veille.
J’avais de gros problèmes à gérer mes émotions adolescente. Les moments ultra positifs étaient très souvent suivis de moments nostalgiques, mélancoliques, de manque. Forcément, après avoir vécu un moment d’intense amitié par exemple, le simple fait de me retrouver seule dans ma chambre me déprimait. Et comme je n’arrivais pas à gérer les émotions négatives non plus, je m’enfonçais bien dedans également.
Se laisser emporter par ses émotions nous fait chavirer d’un extrême à un autre et il n’appartient qu’à nous de dire stop à un moment donné. Je peux dire aujourd’hui que le jour où j’ai commencé à appliquer “le frein des émotions” est un jour de gloire dans ma vie :D. Au début, il me semblait bizarre de me dire “Serena, là c’est un trop chouette moment, c’est vrai, mais ne t’emballe pas trop. Il n’est que passagé, profite gentiment”. Pourtant, les effets positifs arrivent en masse. J’étais plus sereine après, pas de “cuite d’émotions négatives” après, pas de nostalgie.
Le temps et l’énergie passés à se remettre de ses émotions est utilisé pour vivre d’autres expériences enrichissantes. Bien sûr, les émotions font partie de l’expérience mais il n’appartient qu’à nous de les dompter. Elles sont à notre service et non l’inverse.
3. Calmer ses émotions permet de gagner en stabilité
De nombreuses études montrent l’influence que peuvent avoir les émotions sur nos décisions. Le marketing en est rempli à craquer. Par exemple, la musique est étudiée et structurée dans les magasins de vente afin d’inciter à la consommation. Une étude* sur 14 magasins montre que la musique est plus forte et plus rythmée le samedi, jour où les clients pensent au weekend et à leurs sorties. Ça sera la petite voix émotionnelle qui va dire “héé on est samedi soir, fais-toi plaisir”.
Où est le mal allez-vous me dire? Il n’y a pas de mal! Sachez juste que sous l’émotion, vous êtes plus influençable et que certaines personnes l’on bien compris.
Si vous arrivez à gérer vos émotions, vous avez plus d’encrage à la réalité, plus de stabilité, de solidité. Et vous êtes moins influençable et influencé par l’entourage.
4. Calmer ses émotions permet d’éviter la dépression
Le basculement de votre mental vers les émotions négatives s’arrête, dès lors que vous repérez ce basculement. Remarquer “je déprime”, c’est déjà une étape importante et on ne l’obtient que lorsqu’on “reprend ses esprits”, on ne se laisse pas amadouer par les émotions. Une fois qu’on a cette première “lucidité”, il est important de mettre en place nos dispositifs “anti-déprime” préparés préalablement. Cela fera l’objet d’un autre article.
5. Calmer ses émotions permet de relativiser les événements
Les émotions fortes ne permettent pas d’observer sainement les événements tels qu’ils apparaissent. Par défaut, l’émotion positive ou négative va nous amener dans le jugement de la situation. Comment peut-on dire si un situation est réellement bonne ou mauvaise? On ne peut le savoir que plus tard, lorsque ces conséquences apparaissent. Il arrive très fréquemment qu’une situation jugée “mauvaise” à la base est le point de départ de très bonnes opportunités par la suite. Comment garder ce principe en tête, si nous sommes noyés dans des émotions primaires?
Il est impossible de ne pas avoir d’émotions. Par contre, il est possible de se faire traverser par elles, sans pour autant leur accorder trop d’importance. Voilà toute la différence entre “être traversée par une émotion” et être “emportée par une émotion”.
Je vous souhaite toutes ces petites victoires, où, au moment où vous alliez basculer, vous vous êtes ressaisie et êtes restée maître de vous-même. 🙂
Comme dirait Dumbledore: “Le temps est venu de choisir entre le bien et la facilité”.
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*Nugier, A. (2009). Histoire et grands courants de recherche sur les émotions. Revue électronique de Psychologie Sociale, 4, 8-14.
*Tia DeNora, « Quand la musique de fond entre en action », Terrain [En ligne], 37 | septembre 2001, mis en ligne le 19 août 2014, consulté le 15 août 2017. URL : http://terrain.revues.org/1310 ; DOI : 10.4000/terrain.1310
Article très intéressant à méditer sans modération.
Christophe.